Arcade et Gail, tome 3 - Les anges gardiens by Charles-André Marchand & Katherine Girard

Auteur:Charles-André Marchand & Katherine Girard [Marchand, Charles-André & Girard, Katherine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Monarque
Publié: 2022-06-04T00:00:00+00:00

9. Traduction : Tiens pour acquis que c’est une affaire close, mon cher partenaire.

10. Expression québécoise faisant référence à un roman populaire du XIXe siècle écrit par Eugénie-Caroline Saffray, publié sous le pseudonyme de Raoul de Navery, racontant l’histoire d’un pauvre enfant abandonné, dont le prénom était Patira, et considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature romanesque. Être une Patira signifiait se présenter en malheureuse victime.

Chapitre 9

Les grands docteurs

Sur le quai de la gare Windsor, Arcade et Gail s’embrassèrent longuement. Cette fois-ci, ce n’était pas Arcade qui monterait à bord du train. Gail entendit soudain le sifflet caractéristique et frissonna ; même si elle était excitée à l’idée de vivre une expérience palpitante, elle rechignait à l’idée d’abandonner son mari. Elle se défit des bras rassurants d’Arcade à contrecœur et gravit la marche du train, qui était sur le point de quitter avec des arrêts prévus à la gare-hôtel Viger, puis à celles de Westmount et de Montréal-Ouest. Ensuite seulement, il traverserait le pont Victoria pour se diriger vers la Vieille Capitale. Le voyage durerait plus de sept heures.

Bertha était déjà à bord ; elle saluait Neebin d’un air mélancolique. Toutes deux étaient un peu jalouses de n’avoir pu s’étreindre en public comme Arcade et Gail sans craindre de causer un scandale. Elles s’étaient contentées d’une chaste bise et d’une accolade chaleureuse, comme si elles n’étaient que deux bonnes amies. La vie est tellement injuste, ne cessait de se répéter Neebin en agitant la main vers Bertha. Elle songea que les communautés autochtones ne nourrissaient aucun préjugé envers les préférences sexuelles, à moins d’avoir été endoctrinées par l’Église. Elle avait beau avoir été arrachée à son milieu de vie à un très jeune âge, elle se souvenait de certaines des leçons de tolérance à l’égard d’autrui, inculquées dans une vie antérieure par sa mère et sa grand-mère. Ce soir-là, de ne pas pouvoir embrasser son amoureuse avant son départ pour Québec constitua une autre petite goutte versée dans le vase de son indignation, qui risquait à tout moment de déborder. La société des Blancs est terriblement hypocrite, basée sur des valeurs religieuses douteuses, qu’on a tenté littéralement de m’enfoncer au fond de la gorge contre mon gré.

Éternelle rebelle, Neebin ne cessait de ruminer cette rage qui la rongeait de l’intérieur depuis trop longtemps. Elle se demandait constamment si le jour viendrait où elle pourrait se libérer de ces chaînes qui l’étouffaient. Elle avait beau l’espérer de tout cœur, elle en doutait profondément. S’affranchir de la criminalité, c’est une chose, s’affranchir de son époque, c’en était une autre. Elle avait tout pour être heureuse : une relation amoureuse extraordinaire, un emploi qui la comblait et un nouveau cercle familial qui lui offrait un flot d’affection comme elle n’en avait jamais connu. Pourtant, il y avait encore en elle un immense vide intérieur. Est-ce que je suis équipée pour être heureuse ? Est-ce que j’en suis capable ? De telles questions lui revenaient souvent en tête.

Quant à Arcade, il s’inquiétait pour sa

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